Preview d’Endless Legends 2
Il y avait quelque chose de réconfortant dans les promesses du nouveau Endless Legend 2 : un retour dans l’univers flamboyant de la saga Endless, mais avec un souffle renouvelé. Quand on a passé des centaines d’heures sur le premier volet, le pari est risqué : rester fidèle à l’esprit tout en innovant. Le tout, dans un contexte d’indépendance retrouvée pour le studio.
Après plusieurs sessions, parfois frustrantes, souvent stimulantes et gratifiantes, je peux dire que ce deuxième chapitre accouche d’une œuvre ambitieuse, certes encore imparfaite, mais suffisamment séduisante pour qu’on lui pardonne ses erreurs de jeunesse.
Des factions qui se suivent mais ne se ressemblent pas
Dès les premières heures, Endless Legend 2 confirme une chose : Amplitude n’a rien perdu de son goût pour les factions asymétriques. Chacune a sa logique, ses contraintes, son écosystème. On n’est pas dans le simple copier-coller de bonus de production ou de dégâts. Les stratégies des uns et des autres se répondent et se réinventent au gré de notre partie.
Le jeu mise beaucoup sur le récit de chaque faction. On n’incarne pas juste une couleur sur la carte, on incarne une culture avec des objectifs, une histoire et une approche particulière de Saiadha, la planète sur laquelle débarque tout ce joli petit monde.
Les Aspects jouent la carte de la diplomatie et de la prolifération du corail. Ils utilisent des spores pour étendre le corail sur les terrains, influencent la carte, nouent des liens subtils avec les autres factions. Les héritiers de Sheredyn sont taillés pour la défense. Ils misent sur des stratégies de « tortue » : consolider ses frontières, fortifier ses positions, encaisser les assauts plutôt que de s’étendre vite. Les nécrophages incarnent l’agressivité crue : des créatures qui dévorent, qui se multiplient en combattant et qui voyagent à travers son terrier. Avec eux, le conflit est souvent la voie naturelle. Les derniers seigneurs sont des esprits prisonniers d’armures anciennes. Leur début de partie est fragile, mais leur puissance de fin de jeu est impressionnante. Ils dominent par la maîtrise des populations et la création de serviteurs qui soutiennent leur économie et leur armée. Les Tahuk vénèrent la science comme une religion. Leur gameplay repose sur la technologie, avec des armées d’élite à distance et des unités spéciales, les Appelés, qu’ils peuvent garder pour booster leurs villes ou envoyer comme missionnaires.
Alors oui, tout n’est pas parfaitement équilibré : certaines factions ont clairement un avantage selon le contexte, et on sent que l’équipe ajuste encore la balance. Mais dans l’ensemble, ça marche. Chaque nouvelle partie donne envie d’essayer une autre faction pour voir jusqu’où elle peut aller.

Le monde en mouvement
La grande nouveauté de Endless Legend 2, c’est cette planète semi-engloutie, Saiadha, où la mer recule au fil des tours jusqu’à dévoiler la quasi totalité de la planète. Les fameux Tidefalls changent régulièrement la physionomie du terrain : une région inondée un tour devient un territoire exploitable le suivant.
Ce système redonne de la vie à l’exploration, là où beaucoup de 4X deviennent statiques après 100 tours. On continue à surveiller la carte, à se demander quelle zone révélera la prochaine marée. Cela dit, tout n’est pas parfait : la fréquence des marées peut parfois manquer de rythme, et certaines révélations tombent un peu à plat. L’eau est aussi une barrière naturelle stratégique pour les factions et c’est dommage de la voir presque totalement disparaître. Il y a des notions intéressantes autour des rivières dont on peut faire grossir ou réduire le lit mais la mécanique est difficile à exploiter. Surtout, le niveau de la mer ne remonte jamais. Une idée envisagée par le studio au départ mais qu’ils ont préféré mettre de côté de peur de frustrer le joueur.
Une économie dense, parfois trop
La gestion économique reste solide, complexe, et l’on observe bien la patte Amplitude : une surcouche d’optimisation permanente, des choix à chaque tour, et des équilibres fragiles entre croissance, influence et production.
Le jeu conserve cette logique de campements convertibles en cités, une belle idée héritée du premier épisode, qui renforce la sensation de construire un empire organique plutôt qu’un simple quadrillage. La progression est gratifiante, mais elle peut aussi sembler un peu molle au début. Les premiers tours sont longs à décoller, et les boucles de revenus mettent un certain temps à s’installer.
Rien de dramatique, mais on sent parfois que le rythme n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière. Et la densité d’informations, population, ressources, production, influence, demande un vrai effort de lecture et de gestion (coucou les ressources de luxe que j’oublie sans arrêt). Sur de longues sessions, ça fatigue un peu.



Des combats tactiques, enfin intéressants
Sur le plan militaire, Endless Legend 2 réussit là où son prédécesseur tâtonnait : les combats tactiques sont enfin lisibles et engageants. Le positionnement des unités, la prise en compte de l’initiative, les ordres successifs… tout ça donne une vraie dimension stratégique aux affrontements.
On n’est plus dans le simple « je balance mes troupes et on verra ». Il faut penser les angles, anticiper les tours adverses, et profiter du terrain. Quand tout s’enchaîne bien, les batailles ont une vraie tension. En revanche, si l’IA sait se défendre sur les premiers tours, elle a encore du mal à surprendre à long terme et se laisse facilement avoir. Ses armées ne font plus le poids en fin de partie sans pour autant qu’il y ait un écart technologique. Juste qu’elle ne pense pas à acheter des ressources sur le marché pour améliorer ses unités par exemple, du moins c’est l’impression que j’en ai eu. Rien de catastrophique, mais on espère qu’elle progressera avec les mises à jour.



Des victoires qui racontent quelque chose
Le studio nous sort du sempiternel trio « domination / science / diplomatie » pour proposer des victoires narratives. Ces quêtes de fin de partie poussent à jouer autrement, à s’investir dans le monde et ses factions.
Le principe est bon, même si certaines conditions semblent encore un peu bancales ou trop simples à atteindre. On sent que le système cherche son équilibre. La victoire scientifique est quasi impossible par exemple si vous laissez les autres victoires activées pour votre partie. Mais au moins, ces types de victoire donnent une vraie personnalité à chaque partie, une impression de chemin parcouru plutôt que de simple accumulation de points.

Une interface aussi belle que bavarde
Amplitude a toujours su soigner ses interfaces, et Endless Legend 2 ne fait pas exception. C’est un jeu magnifique à regarder : tout respire la cohérence, les menus s’animent avec élégance, les icônes sont travaillées et l’univers visuel est parfaitement dans le ton. Les premières heures donnent cette impression grisante de manipuler un instrument de précision, un empire vivant sous verre.
Mais au fil des parties, cette élégance commence à se fissurer sous le poids de sa propre ambition. L’interface est bavarde, saturée, pleine de signaux qui se superposent. Notifications, tutoriels qui se réactivent à chaque partie, rappels de missions, alertes de ressources… tout arrive en même temps, et tout se veut important. On finit par ignorer les messages essentiels, noyés dans un océan d’informations superflues.
J’ai souvent ressenti ce flottement typique d’un 4X trop généreux : celui d’un jeu qui veut tout montrer, tout expliquer, sans parvenir à hiérarchiser. Ce n’est pas un désastre, loin de là, on sent que l’équipe d’Amplitude cherche à rendre l’ensemble le plus clair possible pour du jeu à la souris mais aussi à la manette ! Mais il reste du travail pour que la lisibilité soit à la hauteur de la direction artistique comme ces ressources qui nous demandent une sacré gymnastique pour identifier celles que nous exploitons déjà des autres. Cependant, une fois domptée, l’interface devient fonctionnelle ; mais avant d’en arriver là, elle testera votre patience. Sur le sujet, mon plus gros regret est l’absence d’une Endlesspedia où l’on peut retrouver toutes les mécaniques du jeu et comment les exploiter.

Une IA correcte, mais timide
L’intelligence artificielle d’Endless Legend 2 n’est pas mauvaise. Elle sait gérer les bases : elle colonise, elle commerce, elle négocie. Les premières dizaines de tours, elle offre une résistance convenable, le temps que les équilibres s’installent. Mais on sent une IA déterministe, la faction est le critère de base : les Aspects ne vous embêteront jamais tandis que les Nécrophages se lanceront dans des guerres mêmes si elles sont perdues d’avance.
En milieu de partie, elle se contente souvent de maintenir ses positions sans jamais vraiment contester la vôtre et pour cause, Saiadha se veut trop grande et le studio a choisi de bloquer le nombre de factions maximum selon la taille de la carte. Pourquoi pas, mais là, elles sont trop peu nombreuses pour rendre véritablement le conflit intéressant. Sur une carte immense, la moitié de la planète ne sera pas exploitée. Probablement la faute au manque d’ambition expansive de l’ordinateur. En multi, cela sera peut-être plus tendu. Toujours est-il que pouvoir monter à 12 factions au lieu de 8 ne serait pas du luxe, cela donnerait lieu à des parties plus tendues.
Techniquement solide, parfait pour Steam Deck et consort
Sur le plan technique, le tableau est positif. Le jeu tourne globalement bien : pas de crashs majeurs, pas de corruption de sauvegarde, et une stabilité exemplaire sur la majorité des sessions. J’ai tout de même rencontré quelques soucis comme ma victoire par asservissement avec les nécrophages que je ne peux pas validé pour cause d’écran qui se fige au moment de clore le dernier tour.
Pour le reste, la direction artistique est superbe, et le moteur affiche une bonne fluidité même sur des configurations moyennes comme celle de mon Steam Deck. Cela dit, dès que la carte s’étend et que les armées se multiplient, les ralentissements se font sentir. Rien de catastrophique, mais assez pour rompre par moments le tempo d’une partie.
Endless Legend 2 n’est pas une simple suite : c’est une relecture ambitieuse d’un des 4X les plus singuliers de sa génération. Amplitude aurait pu se contenter d’un reskin confortable, mais le studio a préféré rebattre les cartes, quitte à trébucher ici ou là. Et c’est précisément ce qui rend cette suite attachante.
Oui, tout n’est pas encore à la hauteur de ses ambitions. L’interface peut saturer, l’IA reste prévisible, et le rythme des marées manque encore d’une vraie respiration. On sent parfois un jeu un peu trop dense pour son propre bien, un peu trop soucieux de tout montrer en même temps. Mais derrière ces aspérités, il y a une vraie vision, un monde vivant, un soin apporté au détail et une envie de renouer avec la magie du premier épisode sans la copier.
Chaque partie raconte une histoire différente, et c’est là que Endless Legend 2 fait mouche. On expérimente, on s’adapte, on redécouvre Saiadha avec curiosité. Le jeu n’est pas encore aussi fluide qu’il pourrait l’être, mais il a déjà quelque chose que beaucoup de ses concurrents ont perdu : une identité claire, et surtout une âme.
Pour peu qu’Amplitude poursuive son travail d’équilibrage et de raffinement, Endless Legend 2 a tout pour devenir un nouveau pilier du genre. En l’état, c’est déjà un 4X dense et exigeant et avec la promesse de nouvelles factions à venir. Et c’est bien pour ça que, malgré ses erreurs de jeunesse, je le recommande sans hésiter à tous ceux qui aiment se perdre dans des empires qu’ils finiront par connaître par cœur.
- Une direction artistique au rendez-vous
- Des factions réellement asymétriques
- Un système de marée original
- Une économie complexe et gratifiante
- Des combats tactiques enfin intéressants
- Des conditions de victoire narratives
- Une excellente stabilité technique
- Une interface surchargée
- Une IA correcte mais trop dépendante du type de faction
- Des marées sous-exploitées
- Des limites du nombre d'adversaires trop faibles
- Pas encore de multijoueur (mais ça va venir)