Jeu vidéo / Dungeons

Date de sortie
Développeur
Realmforge Studios
Moteur
OGRE
Mode de jeu
Types de jeu
Gestion, Stratégie Temps Réel
-
Jaquette PC de Dungeons

Test : Dungeons

Un peu plus d’un an depuis ma dernière intervention dans ces pages et je reviens sur l’invitation d’un membre de la rédaction pour rédiger un test de jeu, et pas n’importe quel jeu puisque le camarade Galen a su prendre le fan de Dungeon Keeper que je suis par les sentiments. Car oui, à l’époque, je m’étais pris à rêver – comme beaucoup d’autres – d’une suite qui était annoncée par une courte bande annonce à la fin de Dungeon Keeper 2 et qui n’est finalement jamais venue, à cause de la fermeture du studio à l’origine de cette licence trop tôt disparue, BullFrog.
Si mes espoirs se sont étiolés avec les années, la sortie du Dungeons de chez Kalysto Media a su leur donner un nouveau coup de fouet.

De Dungeon Keeper à Dungeons…

Après décorticage de la bête, il est indéniable que Dungeons partage des points communs avec le vénérable titre de chez Bullfrog, ce qui fut d’ailleurs le point-clef de nombreuses critiques émises à l’encontre de ce titre.

L'écran de progression de la campagne...

Dans le registre le plus évident, il y a bien entendu le thème puisque, à l’inverse de nombre de jeux où vous jouez le héros qui s’aventure dans les tréfonds de quelque sombre donjon souterrain en quête de gloire, de trésor et de monstres à découper en rondelles, vous vous retrouvez à la tête d’un de ces antres que vous aurez à cœur d’aménager et de peupler aux petits oignons pour accueillir comme il se doit paladins et autres magiciens en quête d’aventures. On pourrait à ce stade se mettre en tête que le jeu ne gagne pas la palme de l’originalité, mais il faut bien avouer que depuis son illustre prédécesseur dans le registre, cette idée n’avait pas été surexploitée depuis, au grand dam des fans…

Un éclairage très très coloré

En terme de gameplay, le rapprochement est aussi facile à faire puisqu’on retrouve le même principe du Cœur de Donjon qu’il faut à tout pris préserver de la destruction, les petites créatures à tout faire courant dans tous les sens pour creuser les salles et couloirs de votre antre entre autres basses besognes, les aventuriers qui débarquent au travers de portails, les monstres que vous mettrez sur leur route et les prisons dans lesquels vous pourrez les y enfermer après qu’ils aient été terrassés.

L’inspiration graphique doit aussi beaucoup à son prédécesseur, allant presque jusqu’au plagiat pour certains aspects, tels que la gestion de l’éclairage ou les textures, par exemple.

Et il y a bien sûr l’humour…

Mais, à vrai dire, nous venons de faire, à peut-être deux ou trois détails près, le tour des vraies similitudes entre les deux titres. Passons donc maintenant à ce qui les différencie :

Dungeons, au-delà de Dungeon Keeper…

En terme de gameplay, la première différence est de taille puisque, si dans Dungeons Keeper le but était de repousser les aventuriers, dans Dungeons, le but est au contraire de les attirer dans les profondeurs de votre antre, de les y distraire afin que leur enthousiasme se transforme en énergie d’âme que vous pourrez extraire de leur cadavre. Cette différence fondamentale conditionne tous les aspects du gameplay et en fait au final un titre bien différent de celui de BullFrog.

Ainsi, vous n’aménagerez pas votre donjon pour vos créatures mais bien au contraire pour les aventuriers qui affluent régulièrement à travers divers portails éparpillés dans le niveau, en leur proposant de piquer votre or dans des caisses que vous aurez soigneusement éparpillés ça et là, de déambuler en admirant les somptueuses décorations de vos couloirs, de visiter des bibliothèques et des salles d’arme que vous aurez meublé élément par élément, ou encore de se mesurer à quelques monstres choisis pour montrer leur bravoure ou par simple masochisme (si, si, c’est dans le jeu !).

Le bonheur de l'aventurier : de l'or, des livres et des armes...

Si l’agencement de vos souterrains corresponds aux besoins de chaque aventurier, sa jauge personnelle d’énergie d’âme se remplira jusqu’à ce que, arrivé au comble du bonheur, celui-ci s’en retournera chez lui par le portail d’où il est entré dans vos souterrains, emportant avec lui l’or qu’il a tapé dans vos caisses et vous privant par la même occasion d’une belle moisson d’énergie d’âme. Seulement voilà, or et énergie d’âme constituent les deux ressources, avec la réputation, qui vous permettront justement de construire votre donjon. Il vous faudra donc abattre les aventuriers trop heureux pour que vos larbins puissent rafler leur or et conduire leur pauvres corps agonisants jusque dans des prisons que vous aurez pris soin de construire et où vous récolterez progressivement leur énergie d’âme jusqu’à leur dernier souffle.

Vos prisons et la collecte d'énergie d'âme

A l’inverse, si les aventuriers trouvent en vos souterrains un cadre peu digne de leurs quête de gloire, la grogne montera et ils piqueront droit vers votre Cœur de Donjon pour mettre fin à l’odieuse mascarade.

C’est sur ces bases que le jeu prend toute sa dimension stratégique.

En effet, vous devrez déjà dépenser votre or pour construire votre donjon tout en en laissant suffisamment à disposition des aventuriers et en veillant à ce que ceux-ci ne partent pas avec.
Mais surtout, plus les aventuriers trouvent votre donjon attrayant, plus ils y resteront longtemps. Leur afflux se faisant régulièrement, si vous les laissez déambuler pour qu’ils accumulent de l’énergie d’âme, vous prenez le risque de voir leur nombre augmenter dans de dramatiques proportions, jusqu’à surpasser le potentiel de réjouissance de votre donjon et les voir, ivres de colère, faire leur fête à vos monstres en sous-nombre avant de piétiner votre Cœur de Donjon.
D’autant plus que plus le temps passe sur chaque niveau, plus les aventuriers qui débarquent deviennent puissant…

Toujours dans le registre du gameplay, il est à noter que Dungeons est beaucoup plus scénarisé que son modèle, ce qui en fait une expérience de jeux plus complexe.

Votre serviteur vous explique votre objectif...

De façon générale, une histoire sous-tend l’ensemble du jeu : maître incontesté des abysses, vous filiez le parfait amour avec une démone du nom de Kalysto (tiens, tiens…). La première mission s’ouvre sur votre serviteur qui vient vous prévenir que votre bien aimée vous a trahit, ce dont vous avez confirmation lorsque celle-ci vous apprend qu’elle a ouvert toutes les portes de votre royaume aux aventuriers du monde d’en haut et que, vous laissant seul affronter la crise, elle est partie prendre la tête des enfers. A vous donc de reconquérir votre royaume donjon après donjon pour rejoindre votre ancienne amante et vous venger de terrible manière.

Deuxième aspect de cette scénarisation plus poussée, vous serez à chaque étape de votre ascension sous les ordres d’un seigneur des ténèbres, à commencer dès les premières missions par le Roi des Zombies.
Bien plus qu’un simple effet d’histoire, ces « patrons » ne se priveront pas de vous confier différentes tâches à accomplir qu’il s’agisse de leur sacrifier une part de vos ressources durement gagnées, d’aller arroser des fleurs sur une tombe (si, si, c’est dans le jeu !), de faire des aventuriers instruits en créant des bibliothèques richement fournies, etc.
Et malheureusement pour vous, vous devrez à chaque fois accomplir leurs quatre volontés dans un délai donné, sous peine de provoquer leur colère qui se traduira par des représailles bien senties.

Premier contact avec votre nouveau patron...

Mais en seigneur de donjon revanchard et avide de pouvoir, vous ne résistez pas bien longtemps à ces petites brimades et à chaque étape du jeu, vous aurez l’opportunité de démontrer votre manque de patience en allant expliquer votre façon de penser à votre tourmenteur face à face.

Enfin, troisième aspect de cette scénarisation, sur chaque niveau, outre la gestion de votre donjon et les tâches que vous confie votre patron, vous devrez accomplir différentes missions, qu’il s’agisse de résister à un certain nombre de vagues successives de héros (des aventuriers survitaminés qui n’ont d’autre but que de détruire votre Cœur de Donjon), détruire le Cœur de Donjon d’un autre maître de donjon, escorter des monstres jusqu’à un point donné du niveau, etc.

Au final, donc, ces éléments vont faire que vous n’aurez que rarement l’opportunité de vous reposer, entre les aventuriers qui se mettent à pulluler, les ordres de vos patrons et les objectifs à accomplir.

Une autre facette du titre qui a un impact très fort sur le gameplay est le fait que, si dans Dungeon Keeper vous incarnez un maître de donjon désincarné dont la volonté plane au dessus de ses noirs corridors et manipule pièges, et créatures, vous possédez dans Dungeons un corps directement dans le monde de jeu qui vous fera intervenir directement et en personne sur plusieurs événements.

Votre avatar, devant le Coeur du Donjon

En premier lieu, vous pourrez combattre en personne les aventuriers et monstres qui passeront à votre portée. Outre le plaisir évident de s’occuper soi-même de ramener l’ordre et la discipline dans vos murs, ceci vous permettra aussi une moindre déperdition de l’énergie d’âme des aventuriers abattus par vos soins.

Par ailleurs, n’ayant pas la possibilité de contrôler les agissements des autres créatures sous vos ordres, il vous incombera d’aller en personne vous charger de certains objectifs évoqués précédemment que vous avez à remplir, que ce soit d’aller ouvrir un portail, ouvrir un coffre, aller faire un sacrifice, aller saccager un lieu donné, escorter une créature, etc.

Cependant, tout maître de donjon que vous êtes, vous n’en êtes pas pour autant surpuissant… loin de là.

Au fur et à mesure des objectifs que vous accomplirez, vous pourrez gagner des points d’expérience qui pourront être convertis en amélioration de votre personnage (points de vue, dégâts infligés, etc.), en sorts que vous pourrez apprendre ou en parchemins à usage unique. Votre personnage gagnera donc progressivement en puissance mais, ne nous y trompons pas, celle-ci reste tout de même limitée.

Ainsi, si en début de niveau vous êtes à même d’affronter un ou deux aventuriers tout seul, leur niveau augmentant progressivement, vous devrez faire preuve de prudence avant d’aller courir les coins les plus reculés du niveau.
D’autant qu’à chaque fois que votre personnage décèdera, il sera instantanément ramené auprès de votre Cœur de Donjon qui aura subi une perte sévère de points de vie.

Dungeon Keeper est mort, vive Dungeons !

Evacuons dès à présent la question : Dungeons n’est en rien un Dungeon Keeper 3.
Si les similitudes peuvent frapper dans les trois ou quatre minutes de jeux, elles s’effacent bien vite pour faire la place à leur différence. Si certains pourront trouver cela dommage, il est clair que RealmForge Studios a su s’inspirer du jouissif titre du défunt BullFrog, et surtout voir au-delà pour offrir un titre unique et très différent de son modèle.

En terme visuel, évolution technologique oblige, il est certain que Dungeons est plus accompli que son prédécesseur, à l’exception peut être de l’absence d’ombres dynamiques pourtant présente dans Dungeon Keeper.
Toutefois, il est à noter que ce visuel a un coût. Sur une configuration, qui n’est certes pas récente mais qui se comporte très bien sur des jeux réputés gourmands (Crysis WarHead toutes options Full, AA et Anisotropic x4, en 1920×1080), des ralentissements assez conséquents ont pu être constatés sur des affrontements ne mettant pourtant pas en présence de très nombreux adversaires.

Quelques aventuriers en quête de gloire...

En terme de design, cependant, si le jeu est fait de façon très professionnelle et a bénéficié d’un grand soin, il ne parvient pas à être réellement accrocheur et on a du mal à s’attacher aux décors, aux monstres, aux aventuriers, surtout si on le compare à Dungeon Keeper2 qui faisait un quasi sans faute dans le domaine.

De la même manière, si les deux jeux ont pour base l’humour, celui de Dungeons a du mal à vraiment se faire marquant. A vrai dire, s’il était était omniprésent dans pratiquement tous les aspects de Dungeon Keeper (autant sur les cinématiques, quasi-absentes de Dungeons, que dans les monstres, les dialogues, les descriptions des niveaux, certains éléments de gameplay), il se cantonne essentiellement pour Dungeons dans les descriptions des éléments qui pourront meubler votre donjon et dans certains dialogues.
Par ailleurs, si dans Dungeon Keeper l’humour passait en petites touches par les références à l’univers heroic-fantasy à la mode Donjons et Dragons, le titre de RealmForge Studios fonctionne par référence au monde moderne, en convoquant tour à tour Houellebecq, le centre Beaubourg ou même Kaamelott…
On pourra supposer que les traducteurs, même s’ils ont fait un réel effort pour adapter ces références à notre culture française, ont probablement, dans le même temps, affadit l’effet comique. N’ayant pas pu jeter un coup d’œil sur la version anglaise, ceci n’est que pure supputation !

Gardons cependant bien à l’esprit que ce qui est ci-dessus énoncé ne concerne réellement que l’habillage et que l’essentiel reste tout de même le gameplay. Alors, qu’en est-il ?

Tout d’abord, contrairement à ce que la présentation pourrait laisser penser au premier abord, Dungeons se présente moins comme un jeu de gestion/stratégie que comme un jeu d’action.

Disons-le tout net, la partie réellement construction/aménagement du donjon ne représente en définitive pas ce qui monopolisera votre attention. Ou pour être plus précis, elle ne la retiendra que dans les premières minutes de chaque niveau, où vous devrez en quelque sorte mettre en place la routine qui vous assurera la défense du Cœur de Donjon et un flot plus ou moins constant des ressources qui vous permettront d’accomplir vos divers objectifs de mission.
On peut supposer que c’est clairement assumé par les développeurs car, au final, vous n’avez la possibilité de construire que trois salles différentes, la bibliothèque, la salle d’arme et la prison, dans lesquelles les nombreux éléments que vous pourrez employer pour les aménager ne se distinguent que guère les uns des autres en terme d’apport au gameplay et ne valent au fond que pour la touche visuelle qu’ils apportent.

Du bon gros monstre qui va bien...

Passé donc cette phase de mise en place, c’est rapidement l’action qui prend le pas… et quelle action !
Elle se cristallise principalement autour du personnage de seigneur de donjon que vous aurez à piloter et qui aura fort à faire pour repousser les hordes d’aventuriers de plus en plus puissants qui envahissent votre ténébreux royaumes, faire les quatre volonté de votre patron pour éviter qu’il ne se déchaîne contre vous et vous apporte de nouvelles complications sur le dos et les divers objectifs de mission qu’impose le niveau ou qui vous permettront de gagner points de compétence et parchemins.
Il est clair que bien souvent, vous ne saurez où donner de la tête…

Dans une certaine mesure, c’est peut-être d’ailleurs là que le bât peut blesser et que certains joueurs pourront vite se décourager : passées les deux premières missions de « mise en jambe » la difficulté est relativement élevée.
D’une part car bien souvent tout vous tombe un peu en même temps dessus, et que les missions sont souvent conditionnées par un délai relativement serré. Et d’autre part, comme cela a été évoqué plus haut, parce que votre personnage a une puissance assez relative face à des aventuriers qui peuvent vite se révéler trop coriace lors d’un affrontement en face à face.

D’un autre côté, en cette époque de « casual games » où la durée de vie d’un titre peut ne vous accaparer qu’une journée, c’est plutôt une bonne chose, d’autant plus qu’il vous faudra traverser un nombre assez conséquent de niveaux pour parvenir au terme de votre quête de vengeance et de domination.

Dungeons, à l’heure du bilan

En fait, Dungeons est un titre qui trompe son monde en n’étant pas le jeu auquel on s’attend, ce qui lui a probablement valu l’essentiel des critiques qui ont entouré sa sortie.

Un massif gardien du Coeur de Donjon

En terme de gameplay, ceux qui s’attendaient à passer des heures à creuser de la roche dans tous les sens afin d’y aménager de multiples combinaisons de pièces pour créer un donjon aux petits oignons, avec tout un tas de pièces différentes qui donnent des bonus stratégiques très fins en seront pour leur frais car cet aspect reste très secondaire.
De la même manière, ceux qui s’attendaient à un titre bourré d’humour devront revoir leur prétention à la baisse.

Partant de là, si tant est que l’on achète le titre pour ce qu’il est, un jeu d’action où de nombreux choix stratégiques devront s’enchaîner à un rythme rapide, mâtiné d’une petite touche de RPG qui permettra de faire évoluer son personnage au fur et à mesure de l’aventure, on pourra volontiers se laisser séduire.
En terme de technique, il est indéniable que le jeu a bénéficié de toutes les attentions de la part de RealmForge Studios. Bien sûr, il ne restera pas dans les mémoires, faute d’un design très propre mais pas vraiment accrocheur, ni d’un humour ravageur.

En terme de gameplay, le tout est là encore bien ficelé et pourra tenir le joueur en haleine pendant de longues heures, notamment grâce à une grande variété dans les missions qui seront proposées au joueur et à une scénarisation qui se permet quelques rebondissements pas franchement originaux, mais bien venu.

En conclusion, Dungeons est un bon jeu qui a le potentiel et mérite amplement des développements futurs.