Jeu vidéo / Thief

Date de sortie
Développeur
Eidos Montréal
Éditeur
Square Enix
Moteur
-
Mode de jeu
Type de jeu
Infiltration
Thème du jeu
Aventure

Test de Thief

Thief est le quatrième opus d’une saga débutée en 1998 et dont le dernier épisode a déjà dix ans. Il s’agit toujours d’un jeu d’infiltration et il constitue une sorte de reboot de la franchise. C’est édité par Square Enix et développé par Eidos Montréal. On nous promet « un design innovant, dans lequel les joueurs ont le contrôle total de la partie et la liberté de choisir leur propre chemin ». Est-ce que ce nouvel opus est à même de convaincre les vieux adeptes de la saga et des amateurs d’infiltration en général ? Tout comme de plaire aux néophytes du genre ? Éléments d’explication et verdict ci-dessous.

Dark nous Project dans l’ombre

Une cité ultra cloisonnée
Une cité ultra cloisonnée

Dans Thief, on incarne encore une fois Garrett, le Maître Voleur qui exerce ses talents dans sa cité ténébreuse. La haine sature chaque pierre et pendant que les riches prospèrent, les moins fortunés doivent faire face à la misère et la répression. Ravagés par la maladie et la famine, ils attendent quelque chose pour vivre le changement. Garett sera le témoin du conflit qui oppose les politiciens au peuple. Et d’un secret qui menace de faire voler le monde en éclats.

Ce scénario est particulièrement fade tout au long de l’aventure. C’est un peu du grand n’importe quoi par moment, et l’on aura du mal à s’immerger dans cette histoire sans saveur (mention spéciale pour le finish abrupt). En plus la mise en scène et du même acabit, tout comme le charisme de notre héros et des quelques (rares) personnages secondaires. Bref, un joli raté.

L’histoire se déroule (à une mission prêt) dans une unique cité. Il s’agit d’un faux monde ouvert à l’architecture poussive composée de petits quartiers séparés par de nombreux temps de chargement. Cela fait de très nombreuses années que l’on n’avait pas croisé un titre aussi haché. Il n’est pas rare de faire dix mètre et de se taper un écran de chargement injustifié. Traverser la ville pour s’équiper, ou rejoindre une mission relève du calvaire insupportable. C’est aussi le cas lors des missions (un peu moins, car on se déplace moins vite). Vu ce qui est affiché à l’écran, c’est inacceptable de se retrouver avec un système aussi archaïque…

Thief propose huit missions qui vous prendront plus ou moins une heure. Vous pouvez les refaire (il faut en vouloir) pour essayer de trouver des objets supplémentaires ou essayer une approche de jeu différente. Bref, la durée de vie n’est pas folichonne au même titre que la rejouabilité sauf si vous êtes un acharné qui veut tout découvrir. Là, vous pouvez facilement rajouter quelques heures. On notera aussi la possibilité de bien personnaliser le niveau de difficulté.

L’Age du Métal

L'action se déroule en vue subjective et Garett doit éviter de se faire repérer par les ennemis disposés aux quatre coins des niveaux
L’action se déroule en vue subjective et Garett doit éviter de se faire repérer par les ennemis disposés aux quatre coins des niveaux

L’action se déroule en vue subjective et Garett doit éviter de se faire repérer par les ennemis disposés aux quatre coins des niveaux. Pour cela il dispose de divers gadgets dans le but de tromper la vigilance des gardes. Il n’y a pas d’armes à feu et l’on bénéficie d’un arc avec divers types de flèches (mais pas beaucoup de munitions) : émoussées (pour utiliser un mécanisme, ou attirer l’attention d’un ennemi), quelques létales, d’eau (pour éteindre la luminosité émise par un petit feu), étouffantes (pour immobiliser temporairement un ennemi), grappins (pour explorer des zones auparavant inaccessibles), de feu (qui génèrent une étincelle à l’impact) et explosives (sur une petite zone). On a également un petit crochet pour escalader des parois qui sert aussi d’arme de mêlée.

On rencontrera peu d’ennemis différents. Des humains qui sont armés d’épées, de gourdin, ou d’arbalètes. Ainsi que des monstres mutés (sur deux niveaux) qui frappent avec leur mains. A part le fait que certain gardes ont des protections à la tête pour éviter le headshot, le panel est vite restreint. Lors des niveaux les plus intenses, les systèmes de sécurité et de défense du lieu à infiltrer seront plus performants et les gardes plus forts, plus nombreux et mieux équipés.

Le type de jeu implique une progression lente et réfléchie. Notre héros n’a pas beaucoup d’aptitudes il peut sauter et grimper à des endroits prédéfinis, courir pour s’enfuir, marcher baisser, et faire une glissage pour passer d’une zone d’ombre à une autre. Il dispose aussi d’un pouvoir de vision aiguisée qui lui permet de détecter ennemis et objets importants.

On ne peut donc pas grimper de partout, si les développeurs ne l’ont pas voulus c’est impossible. On ne comprend donc pas pourquoi on peut monter sur une caisse et un mètre plus loin ne pas le faire sur une caisse similaire. C’est pareil dans la cité ou lors des missions, il n’y a donc pas beaucoup de possibilités et de verticalité et c’est bien dommage.

On ne peut grimper qu'à de rares endroits prédéfinis
On ne peut grimper qu’à de rares endroits prédéfinis

Thief propose bien sûr une courbe de progression pour notre personnage. On peut améliorer quelques caractéristiques en trouvant des points de compétences. Et l’on pourra alors choisir de maîtriser plus efficacement nos techniques de vitesse, de furtivité, de combats ou d’efficacité (chacun sur deux niveaux). Oui, c’est là encore restreint, il n’y a pas pléthore de choix…

On pourra aussi faire progresser notre inventaire grâce au système monétaire du jeu. On gagne de l’argent en réussissant les missions principales et il y en a quelques unes secondaires via notre ami le receleur Basso. On récolte surtout beaucoup d’argent en fouinant et en explorant notre monde (et en écoutant les conversations). Chaque objet trouvé est automatiquement transformé en argent (Woot). Et ce pécule permet, en plus de faire le plein de munitions et autre ravitaillement, d’acheter (à la bonne personne) de meilleurs équipements (pour être plus furtif, donner des coups plus puissants ou mieux les encaisser, etc.).

L’exploration est donc lucrative et pertinente et c’est pas trop mal géré car on ne finit pas en grosbill avec de l’oseille à ne plus savoir quoi en faire. Mais cela reste des actions répétitives et assez soporifiques. Il faut par exemple, fouiller totalement une chambre (on rentre par une fenêtre, mais on ne peut pas aller dans d’autres pièces de la maison…) en ouvrant les huit tiroirs d’une commode, plus la buanderie, en crochetant (ce n’est pas dur, mais assez long et si on échoue on ne perd pas de crochets) des coffres, etc… Certes, c’est le principe du voleur mais ce n’est pas très captivant à la longue.

En sus de l’infiltration, on rencontrera quelques rares phases d’escalades, qui se passent à la troisième personne. Celles-ci sont totalement ratées, il n’y a aucun intérêt à cliquer sur un bouton pour grimper vingt secondes le long d’un tuyau. Et il y a aussi quelques puzzles pas des plus intéressants et intuitifs à faire.

L’Ombre Mortelle

Boom Headshot
Boom Headshot

Venant en maintenant au cœur du jeu avec les phases d’infiltrations. Et le premier gros regret et qu’il n’y a que très peu de chemins possibles différents (2-3 au mieux lorsque c’est Byzance, mais c’est rare en plus). Le level design est peu inspiré et surtout extrêmement dirigiste. Les zones sont très étriquées avec une multitudes de portes fantômes. On n’a donc pas trop le choix de nos actions et certains passages étroits ne peuvent être effectués que d’une seule manière.

L’idée principale est de se mouvoir en suivant (ou en se créant) les zones d’ombres. C’est la base du jeu pour ne pas être repéré par nos ennemis. Et il faut bien avouer que l’intelligence artificielle fait tache. Dans la pénombre, les ennemis ne nous détecterons pas même à un mètre d’eux. Il suffit de s’avancer recroquevillé prudemment pour passer inaperçu. Et lorsqu’ils ne sont pas au même niveau de hauteur que nous c’est encore pire. Par exemple, j’ai le souvenir de mettre retrouvé debout sur une fontaine, un garde de face à la hauteur de vues des parties intimes de Garett et à une main du jeu classé X sans être repéré (j’en ri encore). Il n’y a aucune nuance au niveau de la distance ou de l’obscurité : bienvenue à Blindness City…

Si nos adversaires sont aveugles, ils ne sont par contre pas sourd du tout. Il se déplaceront systématiquement à l’endroit du moindre petit bruit. Et ils commenceront à faire des recherches. C’est d’ailleurs la seule façon de franchir certains passages, sans affrontements, pour qu’un garde décide de bouger (en tirant une flèche dans le mur par exemple, ou en lançant une bouteille).

Il y a quelques bonnes séquences en pure infiltration
Il y a quelques bonnes séquences en pure infiltration

Si vous êtes détecté le QI général de vos adversaires va décroître encore plus fortement. Ils vous perdent vite lors des poursuites (au bout d’un moment elles sont abandonnées). Si vous escaladez un petit mur par exemple, ils vous jetteront des petits poignards, mais ils ne monteront jamais. Mais s’ils vous perdent de vue (une seconde suffit) ils reprennent leurs recherches. Vous pouvez alors, leur infliger une mise à terre instantanée (et automatique) dès qu’ils seront à distance en leur sautant dessus. C’est une technique pratique pour se débarrasser sans efforts d’un petit groupe d’ennemis en remontant à chaque fois à notre cachette. Mais les moments les plus fendards sont bien quand vous vous retrouvez dans une impasse avec une seule armoire et deux mètres carré de vide. Là, le garde ne pensera même pas à l’ouvrir. Quand il repart vous pouvez lui jeter un truc et repartir dans l’armoire magique il ne vous y retrouvera toujours pas. Bon, pour être totalement honnête, une fois contre quatre ennemis, y’en a un qui l’a ouverte finalement : = ). On peut aussi faire du « Go Fast » pour atteindre rapidement un autre checkpoint qui lance un temps de chargement : là la poursuite ne reprend pas (c’est très pratique en ville).

Si vous décidez d’un affrontement frontal sachez qu’en un contre un c’est très facile. Car le garde lance un coup unique que vous pouvez facilement esquiver grâce à une touche spécifique : le timing est large. Après, vous pouvez lui donner un coup de crochet qu’il pare de temps en temps. Si vous avez développé la voie du combat, vous aurez vite une aptitude permettant de mettre à terre un ennemi en un coup infligé à la tête. A deux contre un, vous devriez aussi en venir facilement à bout si vous ne vous faîtes pas encercler. Après, c’est déjà beaucoup plus délicat, et les affrontements sont à éviter. Mais vous pouvez toujours tenter de vous caler dans un coins serré ou un seul adversaire peut attaquer à la fois.

Bref, il y a plusieurs façon de faire un niveau : sans vous faire détecter, sans tuer personne mais en assommant des gardes, ou plus bourrin en combattant et courant. Il n’a pas grand chose de bien amusant au final, sauf si vous jouez (et aimez) l’infiltration pure. Là, si vous faîtes fi des restrictions et de l’IA aveugle, les tous derniers niveaux devraient vous procurer un bon challenge.

Une réalisation datée

C'est pas toujours très beau
C’est pas toujours très beau

Le jeu tourne sous une version modifiée du célèbre moteur graphique l’Unreal Engine 3. Et cela ne se voit pas forcément, le rendu étant assez fade. Il n’y a tout d’abord pas beaucoup d’environnements différents et l’on ne s’arrêtera jamais pour contempler tel ou tel bâtiment ou panorama. Le tout est assez terne et bien trop sombre pour marquer les esprits. C’est dommage car au début cela commencé assez bien. Mais la monotonie s’installe vite.

On regrette surtout des textures peu détaillées et le plus souvent très baveuses. Avec tous les effets à fond ce n’est pas moche, mais on s’attendait à mieux que du tout juste correct pour un jeu de 2014.

Les animations tout comme les cinématiques suivent la même tendance.

Le jeu devrait tourner facilement sur de nombreuses machines. Mais c’est la moindre des choses par rapport au rendu visuel, au peu d’ennemis affichés simultanément et surtout par rapport à ces salles minuscules entrecoupées de moult temps de chargement.

Au niveau sonore : les bruitages, le doublage (aussi bien en français qu’en anglais) et la musique sont efficaces et plutôt bien réussis. Par contre, même en réglant les niveaux le mixage est totalement à revoir avec des voix parfois inaudibles et des bruits contextuels bien trop puissants.

Conclusion

Un jeu à réserver aux aficionados et encore...
Un jeu à réserver aux aficionados et encore…

Thief est une belle déception. La plupart des joueurs ne s’y attarderont pas à cause de beaucoup trop de carences grossières. Difficile en effet de s’immerger dans ce scénario totalement raté et rocambolesque qui est soutenu par une mise en scène inexistante et des personnages sans charismes.

Difficile aussi de ne pas s’insurger contre ce monde cloisonné et dirigiste découpé en minuscules zones de jeu avec, par contre, une multitudes de temps de chargement. La réalisation artistique est en plus tout juste passable.

L’action est contextualisé et on ne nous laisse pas beaucoup de choix. Et que dire de cette IA totalement à la ramasse lorsqu’il s’agit de nous détecter dans le noir quelque soit la distance ou l’on se trouve, de nous poursuivre ou de nous combattre.

Bref, pour le grand public et pour la majorité d’entre vous on ne vous le conseillera pas. C’est très éloigné, par exemple, de la qualité d’un Dishonored.

Si vous vous dites, oui mais cela n’a rien à voir ce n’est pas un jeu d’infiltration : là Thief arrivera peut-être à vous convaincre. Si vous acceptez le peu de chemin possibles et cette IA rigide et discutable, il y a quand même quelques bonnes phases d’infiltration en mode fantôme et en difficulté le plus élevée. Enfin, cela concerne surtout les tous derniers niveaux et si vous êtes en plus un collectionneur dans l’âme qui veut récolter tous les trophées du jeu.

Un jeu de niche donc qui ne convaincra que les fans les plus assidus. Les autres pourront passer leur chemin sans regrets même avec des soldes à -75%.