Haemimont Games et Kalypso Media ont été clairs sur le sujet, Tropico 5 est un vrai tournant pour la licence. Il faut bien avouer que les joueurs ont en travers de la gorge ce Tropico 4 qui semblait n’être qu’un moyen déguisé de faire repasser les fans à la caisse si bien qu’il a été affublé par la communauté du titre de Tropico 3.5. La sortie de ce nouvel opus ne manque pas de confirmer nos impressions, si les nouveautés de Tropico 4 sont toujours là, elles reviennent dans un tout nouvel apparat. Dictateur dans l’âme, j’ai pris le temps de vérifier si les promesses ont été tenues dans ce Tropico 5.

La dynastie d’el Presidente

Que vous attaquiez le jeu par sa campagne, par son mode bac à sable ou par le multi, vous devrez commencer par initier votre dynastie. Composée de 7 membres de votre famille dont vous (au départ), la dynastie permet de profiter des bonus que nous avions dans les précédents Tropico. Toutefois, il n’y a plus de bonus ou malus avec tel ou tel parti, pour faciliter la lisibilité, il n’y a plus qu’un trait de caractère à gérer et il s’agit forcément d’un bonus. Par exemple la réduction du coût des bâtiments, une détection accrue des compétences de vos habitants (nous y reviendrons) ou encore un bonus écologique permanant. C’est au gré de mariages et de reconnaissances de paternité que votre famille s’agrandira. Mais attention à ne pas vous fâcher avec un membre de votre famille car il pourrait se tirer sans crier gare.
L’argent de votre compte en suisse va enfin vous être utile puisque vous pourrez le dépenser pour augmenter les compétences de votre fidèle équipe de dictateurs et autant vous prévenir tout de suite, il faut du pognon pour tout ce beau monde. Enfin, si l’un des membres de votre famille se fait trop vieux ou si sa compétence ne vous est plus utile, vous pouvez lui faire prendre sa retraite. Avant de faire tout cela, vous avez donc créé votre premier personnage, vous ne serez pas dépaysé et même plutôt déçu car la personnalisation s’est réduite comme peau de chagrin, il n’y a plus que 4 costumes, des coupes de cheveux ont des noms différents mais sont les mêmes, tout ça semble manquer de finition, la palme au choix du prénom que vous êtes obligé de choisir parmi une sélection de prénom de dictateurs célèbres (pour l’essentiel) mais par voie de flèches gauche et droite, un bonheur pour atteindre les prénoms en M ! Personnellement, j’ai abandonné en arrivant sur Fidel, je me suis dit que ça irait bien…

Une campagne en quatre îles

Si vous commencez par la campagne, vous serez peut-être dérouté par le cheminement de celle-ci. Vous allez jouer une petite heure sur la première île avant de basculer sur la suivante. En fait, c’est que l’histoire se joue en parallèle sur deux îles, vous devez donc avancer dans l’une puis la suivante et à nouveau la première. La campagne est découpée en deux parties de la même manière, c’est donc 4 îles qui composent votre périple. Côté scénario, nous retrouvons les délires habituels des développeurs, nous ne pouvons pas vous raconter au risque de balancer un gros spoiler, simplement dites-vous que si vous avez apprécié les précédents égarements intellectuels et humoristiques de Tropico vous ne serez pas déçu par ceux de Tropico 5.
Si le scénario est sympa, la durée de vie laisse à désirer, même en prenant votre temps, il n’y aura pas plus d’une douzaine d’heures de jeu à votre compteur au sortir de votre aventure. Si bien par exemple que votre dynastie sera loin d’être complète (3 dans mon cas mais j’ai perdu un membre sur la route). Ce faible temps est néanmoins compensé par ce ballotage entre deux îles qui permet de créer du rythme, la première fois vous pourriez vous sentir floué, les fois suivantes vous aurez compris le choix du studio et suivrez le fil de l’eau comme si de rien n’était et c’est même avec un certain plaisir que vous changerez d’île.

Guide du dictateur pour les nuls

Tropico 5 reste un Tropico, vous êtes sur une île luxuriante ou désertique, dans tous les cas, ça reste une île. Vous avez droit à votre lot de cataclysmes et surtout, vous devez faire de votre île une puissance économique que toutes les grandes nations voudront s’adjoindre.
Au milieu de tout cela, Tropico 5 apporte son lot de nouveautés. Commençons par les époques, votre partie débute en tant que gouverneur de l’île, parachuté ici par la Couronne anglaise. A ce moment là, la période n’est pas raisonnée par une date mais par le temps qu’il vous reste avant d’être destitué. Pour prolonger votre mandat, vous devrez remplir les missions de la Couronne. Parallèlement à cela, il faut faire de vos habitants des indépendantistes avérés tout en satisfaisant leurs désirs pour pouvoir déclarer l’indépendance de votre île. Bon, tout ça est plutôt facile et c’est surtout l’occasion d’introduire votre personnage à l’île. Vous entrez alors dans la période des guerres mondiales où vous pourrez choisir de vous allier avec l’Axe ou les Alliés. Puis la guerre froide avec les USA et l’URSS et enfin les temps modernes où les cinq nations ou régions à vous convoiter sont les USA, la Russie, l’UE, la Chine et le Moyen-Orient. De prime abord, cette notion d’époque ne bouleverse pas le gameplay mais c’est sans faire avec la recherche.

Nouveau concept du jeu, toutefois Modern Times avait déjà touché du doigt cette mécanique, la recherche technologique est un élément essentiel de votre réussite. Assez logiquement, c’est au travers de vos bibliothèques, de vos universités et autres laboratoires que vous obtiendrez des points de recherche vous permettant de découvrir des technologies plus ou moins rapidement. A chaque époque ses technologies, cela passe par de nouveaux bâtiments, de nouveaux outils comme la mécanisation de vos fermes, de nouveaux décrets ou encore de nouvelles possibilités constitutionnelles. Il y a des choses qui vous seront familières comme les cages à lapin. Dans Tropico 5, les appartements sont vus comme une innovation des cages à lapin, vous pouvez toujours construire ces derniers mais ça n’a plus aucune utilité grâce à l’arrivée du « budget ».
Mais c’est quoi le budget ? Pour chaque bâtiment, vous avez la possibilité de lui attribuer un budget, cela ressemble au salaire que vous aviez dans les précédents opus mais en plus poussé car ce budget n’influence plus seulement le salaire des ouvriers mais aussi directement la qualité du service rendu. C’était aussi le cas avant, l’augmentation des salaires améliorant la motivation et donc la productivité, seulement ici l’impact est plus flagrant et le nouvel intérêt ici, c’est que vous pouvez volontairement réduire le budget. Cela ne fera pas déserter vos salariés ou les clients, en revanche, cela ciblera un public bien particulier. Si nous reprenons l’exemple des appartements, vous pouvez avoir un quartier fait d’immeubles pour des familles pauvres et un autre à côté, avec les mêmes immeubles mais dédiés à des familles très riches. Cela sera d’autant plus influencé que vous retrouvez les mêmes modifications que nous avions auparavant, par exemple l’installation de la climatisation. Bref, c’est très intéressant mais cela devient vite très complexe à gérer, c’est carrément une gestion micro qui lorsque nous avons 10 bâtiments fait plaisir mais dès quand il faut en gérer 1 000 c’est à s’arracher les cheveux. Les développeurs ont bien mis en place la possibilité de modifier le budget de tous les bâtiments du même type en même temps. Toutefois, avec l’exemple des appartements, vous serez contraint de gérer un par un.

En parlant d’époques nous sommes tombés sur la recherche et le budget mais il y a une autre nouveauté que nous avons abordé subrepticement, c’est la constitution ! Un changement d’époque engendre souvent un changement de constitution. Il y a de nombreuses thématiques que nous trouvions avant dans les options de bâtiment ou au travers de décrets, par exemple l’immigration, la liberté de la presse, le travail des enfants etc. Pour le coup c’est bien présenté et cela permet aussi de donner un historique à votre nation, vous verrez que si vous pouvez revenir sur les fondements de votre constitution, le peuple ne sera pas forcément d’accord.
Souvenez-vous des factions, avant, vous pouviez faire un virage à 180°, cela se passait facilement pour peu que vous ayez un peu de trésorerie, quelques émeutes et puis plus rien. Désormais, c’est plus compliqué car les factions fonctionnent en duo opposés. Par exemple, plus il y a de religieux, moins il y a d’intellectuels, plus il y a de nationalistes moins il y a de mondialistes et ainsi de suite. Vous ne pouvez pas vous dire que vous êtes une île athée qui ouvre les vannes au capitalisme et à l’immigration et du jour au lendemain fermer les portes et vous proclamer premier chrétien du monde. Vos anciens fidèles deviendront vos adversaires immédiatement mais vos anciens ennemis ne deviendront vos amis que plusieurs décennies plus tard. Lors d’une mission, je suis arrivé à passer le cap mais les conséquences furent terribles, je me suis retrouvé obligé de déclarer la loi martiale pour ne pas me retrouver évincé lors des élections et j’avais la chance d’être soutenu par l’armée (après quelques graissages de pattes), toutefois le reste du monde n’achetait plus rien et il a fallu écraser la résistance. Dans ce cas j’avais beaucoup de manifestations, si vous suivez le processus inverse, vous aurez énormément de rebelles. Dans tous les cas, c’est un changement qui se fait forcément dans la douleur. Toutefois, c’est plutôt amusant à gérer (façon de parler hein).

Des bugs et des choix de développement foireux

Dans ce monde dictatorial idyllique, il y a des bugs qui vous ferez retourner un Castro dans sa tombe. Le plus agaçant de tous, c’est le commerce, dans Tropico 5, il y a des navires qui viennent à vous et vous en envoyez aussi vous-mêmes. Ces derniers ont des tarifs préférentiels vis-à-vis de vous bien entendu. C’est cool, mais alors ceux qui viennent, ils vous pillent votre belle île et le jeu gère ça de manière complètement débile. Voilà que vous vous faîtes une belle chaîne industrielle rondins – planches – meubles en bois. Et bien vos livreurs vont apporter les rondins au port et pas dans vos usines, c’est super logique…
Contrairement à Tropico 4, il n’est pas possible d’interdire un produit à l’export, seulement d’interdire la consommation d’un produit alimentaire par vos habitants ce qui vous fait une belle jambe. Cela peut foutre en l’air l’économie complète de votre île, surtout si vous avez des tonnes de décrets archi-couteux et des budgets de folies pour vos bâtiments tout en vous retrouvant à payer des usines une fortune sans qu’elles ne rapportent rien.
Haemimont Games a bien réglé des problèmes qui trainaient depuis longtemps comme les parkings qu’il fallait avoir à tous les carrefours et le métro est extrêmement efficace, comme quoi c’est possible, alors nous en arrivons à nous demander comment ils ont pu laisser passer un truc pareil.
Dans un autre genre, il y a toujours le bug du texte français plus long que le texte anglais qui finit hors des clous. Pratique quand le jeu vous file un obscur objectif qu’il vous faut en plus deviner parce que vous ne pouvez pas lire la fin. Quand c’est pour les missions ponctuelles que vous pouvez refuser, tant pis, quand c’est une mission liée à la campagne et que cela vous fait jouer plus ou moins à l’aveugle, c’est plus agaçant.

Le gros défaut de Tropico 5, c’est de donner l’impression qu’il y a eu plein d’ajouts au détriment de pleins d’autres trucs qui ont disparu. Notamment dans la variété des bâtiments ou dans la gestion micro économique de votre ville bien que pour ce dernier cela dépend du point de vue. En fait, il est difficile de s’ôter l’idée de la tête que la fusion Tropico 4 et Tropico 5 aurait été un cran au-dessus. En même temps, cela donne l’occasion d’enquiller les DLC. Tout cela passerait en douceur si nous ne nous rendions pas compte que les développeurs ont perdu du temps sur des choses qui en méritaient davantage pour être intéressant. Regardez le multi, c’est la croix et la bannière pour trouver des joueurs et c’est normal, Tropico est un jeu résolument solo, il ne manquerait plus qu’un dictateur vienne marcher sur vos plates-bandes. Avec ce temps de développement gagné sur le multi, le jeu aurait pu être plus fourni.

Dictateur du dimanche

Avec Tropico 5, il y a de quoi décevoir les fans. Haemimont Games nous sert une dictature mi-figue mi-raisin, comme pour Tropico 4, nous avons l’impression de gagner d’un côté ce que nous perdons de l’autre tout en se demandant pourquoi ils n’ont pas mis des choses réclamées depuis le début, à tout hasard, un vrai éditeur de carte ou des bâtiments un peu plus variés. Telle la fantastique licence des Sims, nous ne pouvons y voir là que la promesse de futurs DLC et pourquoi pas un add-on complet dans l’esprit d’un Modern Times. Entre ce multijoueur qui s’avère inutile, la microgestion . Tant pis, cela ne vous empêchera pas de vous prendre pour un dictateur du dimanche et tenter de conserver votre place pendant un siècle, et ouais…