Dès le premier épisode sorti en 1998, la série Anno a su apposer sa marque de fabrique, un gameplay au style particulier mélangeant gestion et stratégie en temps réel. Après avoir parcouru une bonne partie de l’Histoire, c’est en 2011 avec Anno 2070 que le studio allemand, Related Designs, décide de nous envoyer dans le futur. En plus d’une décennie, Anno s’est forgé une communauté de fans attachés aux mécaniques de la série. Pourtant, les développeurs n’ont pas eu peur d’annoncer la suppression du mode multijoueur pour ce nouvel épisode. Peut-être un clin d’œil à son illustre aîné, Anno 1602, qui s’en est doté qu’à la première extension. Toutefois, Anno 2205 ne s’arrête pas là dans les bouleversements, c’est tout son système qui est revu, la gestion d’un côté et la stratégie de l’autre. Voyons si cette nouvelle itération se montre suffisamment convaincante pour satisfaire les addicts de la série.

Système à quatre phases

Anno 2205 en une vidéo puis plusieurs petites séquences pose le background de ce nouvel épisode. Il y a un siècle, les terriens ont investi la lune en y découvrant tout un tas de richesses insoupçonnées. Mais une crise économique est passée par-là et la lune a été désertée. Dans ce tumulte, un ensemble de corporations sont apparues et c’est en 2205 qu’elles décident de reconquérir leur plus gros satellite. Vous êtes une de ces corporations, la plus petite, et l’essentiel de la partie reviendra à manger les grands.
Cela va se passer en quatre phases. La première consiste à bâtir une ville florissante pour accumuler les crédits, la seconde va vous emmener dans l’Arctique dont les minerais seront indispensables à la croissance de votre ville mais aussi à la fabrication de matériaux qui vous permettront d’aller sur la lune en phase 3. La quatrième phase consistera à devenir un géant.

Anno 2205 reste globalement familier, vous commencez par attirer des ouvriers puis des opérateurs, des cadres et enfin des investisseurs. Pour y arriver, il faut répondre à tous leurs besoins pour les faire évoluer. Le système est connu et bien huilé, la différence vient dans la gestion des zones. Toute la série Anno se jouait sur une carte composée d’îles aux ressources différentes, il fallait prendre leur contrôle pour espérer satisfaire les besoins des habitants les plus exigeants. Le tout en luttant contre des IA (ou des joueurs) à la poursuite du même objectif. Ici, plus d’IA à proprement parlé et plus de joueurs (bye bye le multijoueur), vous suivrez néanmoins les consignes de Samantha Beaumont, la responsable du programme lunaire au sein de Global Union (le gouvernement partagé entre toutes les corporations).

Surtout, le monde est découpé en plusieurs régions dispersées sur trois secteurs. Il y en a trois en zone tempérée, autant dans la partie polaire et enfin trois autres sur la lune. C’est donc en toute quiétude que vous vous installerez dans votre première région en suivant un tutorial très clair. Tandis que les autres corporations iront poser leurs valises dans les autres régions. Les régions ne sont pas générées de manière aléatoire, les cartes sont uniques et ont des caractéristiques bien différentes. Au début de la partie, vous allez notamment choisir entre les trois cartes du secteur tempéré, la superficie bâtissable varie tout comme le nombre de sites portuaires et montagneux. De plus, chaque zone propose un projet spécial à concrétiser, peu importe le secteur. Cela va de l’édification d’une statue à la reconstruction d’un barrage en passant par la réhabilitation de plateformes pétrolières ou la création, folle, d’un complexe hôtelier sur la lune avec à la clé, d’importants bonus.

Avant d’en arriver là, il faut d’abord développer sa ville et répondre à des missions annexes pour gagner quelques ressources. Ces missions sont ridicules (zéro combat) en consistant le plus souvent à remorquer un ou deux navires, à apporter du ravitaillement, récupérer des caisses en mer ou même parfois, à trouver des objets sur la terre ferme en mode cache-cache. C’est si enfantin que vous ferez appel à ces missions uniquement lorsqu’une ressource ou les fonds vous feront défaut.

Anno à risque

Pour éviter de stagner, il n’y a pas d’autre solution que d’aller se geler dans le cercle polaire pour y récupérer de nouvelles matières premières, mais pour cela vous devrez passer par la case « zones à risque ». Les zones à risque sont tout ce qu’il reste de la notion de stratégie dans Anno 2205. Il n’y en a que deux, une en secteur tempéré et l’autre en secteur polaire. Elles s’activent la première fois en suivant le tutorial puis de manière ponctuelle tout au long du jeu. La mission à remplir dans une zone à risque change au fil de la partie, toutefois, la carte reste la même, ce qui rend l’exercice répétitif. Pour nous obliger à y retourner, les développeurs ont créé un système de matériaux rares que vous ne pourrez à aucun moment produire. Ces matériaux vous permettront notamment de développer vos mines et vos exploitations.

En effet, Anno 2205 tire un trait sur un fonctionnement qui était franchement vieillissant, une exploitation, un bâtiment ou une mine ne se limitent plus à un seul bâtiment à poser, ils sont extensibles grâce à une série de modules. Par exemple, une exploitation fruitière peut multiplier sa superficie par six grâce à l’ajout d’extensions. Ajouter un module est plus économique que construire un nouveau bâtiment, le rapport étant souvent une capacité de production doublée pour un coût de maintenance qui augmente de moitié seulement. Vous pourrez aussi optimiser le nombre d’employés, l’énergie nécessaire ou la quantité de transporteurs dont a besoin le bâtiment. Par exemple, une usine peut être entièrement robotisée, laissant vos habitants chez eux. Cette nouveauté pour le moins bienvenue vous rappellera au bon souvenir de Tetris, chaque bâtiment a des modules de taille différente et pour tout faire tenir, il faut se montrer astucieux en testant quelle usine s’imbrique le mieux avec telle exploitation.

La motivation étant toute trouvée, l’objectif est d’en découdre avec Virgil Drake, un anti-corporatiste de renom qui a décidé de pourrir la vie de tout le monde. Les combats se font en mer et l’on vous demandera d’abattre des vaisseaux particuliers, prendre le contrôle de certains points ou détruire des bâtiments pour obtenir la victoire. Lors d’une mission, vous avez le choix entre trois niveaux de difficulté qui font varier le nombre de navires et la puissance de la flotte de Drake ainsi que la quantité d’objectifs à remplir mais aussi la récompense finale. Plus vous abattrez d’adversaires, plus vous gagnerez de points d’expérience qui permettront à vos navires d’évoluer contre des centaines de milliers de crédits. Votre flotte ne sera jamais bien grande puisque vous ne pourrez dépasser huit unités. C’est pourquoi il faut se montrer malin et éviter de perdre un bateau en cours de route. Pour cela, vous avez droit à un léger panel d’actions et power-up. Bouclier, réparation et mine répulsive utilisent des points d’action que vous ramassez sur la carte ou en détruisant des ennemis. Renforts, tir de missiles et I.E.M. sont les trois power-up à votre disposition, là aussi à ramasser durant les combats avec une limite de stock à hauteur de trois chacun.

La série Anno n’a jamais brillé par ses combats et cette version 2205 ne déroge pas à la règle, c’est peut-être même pire que d’habitude avec un modèle qui ne pourrait être plus répétitif et ennuyant. De plus, l’absence de zone à risque sur la lune où les combats auraient pu se faire sur la terre ferme manque à l’appel. Bref, les précieuses ressources obtenues, votre corporation peut désormais se vêtir de sa plus belle doudoune et poser un pied sur la banquise.

Synergie de secteurs

C’est après quelques heures de jeu, une fois le sol glacé du secteur polaire investi et surtout après avoir joué le cosmonaute en posant le pied sur la Lune qu’Anno 2205 montre son véritable attrait. En premier lieu, il faut s’adapter aux conditions de vie, si le secteur tempéré est un lieu idyllique où vous amasserez le pognon, le cercle polaire est moins hospitalier. Les habitations sont rongées par le froid, pour que les protecteurs deviennent des scientifiques (les deux seuls groupes dans cette région hostile), il faut placer vos usines à proximité pour jouer un rôle de chauffage en plus de répondre à leurs autres besoins. Sur la lune, les pluies de météorites font des ravages et il faut mettre en place de gigantesques boucliers pour protéger les civils.

Les trois secteurs doivent entrer en synergie à l’instar des îles dans les précédents Anno, des ressources du cercle polaire sont nécessaires à la lune et le secteur tempéré vie au crochet des deux tandis qu’en contrepartie, il soutient l’investissement. Différentes routes commerciales dont le prix varie selon la distance (la Lune est loin) et les quantités transportées sont à établir pour parvenir à vos fins.

En assurant la croissance, vous gagnerez des niveaux de corporatisme indispensables pour accéder à toutes les régions de chaque secteur qu’il faudra acheter aux autres corporations. Lorsque votre grandeur ne souffrira d’aucune concurrence, le temps sera venu de bâtir le QG des corporatistes. Une mission qui arrivera plus vite qu’il n’y paraît puisqu’une vingtaines d’heures de jeu suffisent à voir le bout du scénario principal. Sam vous laissera en vous suggérant d’atteindre le million d’habitants, ce qui n’est pas une mince affaire. Vous pourrez aussi prendre le temps d’admirer votre œuvre grâce à des graphismes d’une grande réussite, la foule dans la rue est dense, cela fourmille de partout, chaque exploitation, mine et autres bâtiments ont profité d’une attention particulière. Il y a même des chiens en combinaison d’astronaute, c’est dire à quel point les développeurs ont poussé les détails. Tout juste regretterons-nous des modèles de bâtiments qui manquent cruellement de variété.

Une transformation en demie teinte

Après cinq jeux et plus de quinze années d’aventure vidéoludique, Anno vie un tournant dans son gameplay avec Anno 2205.La mécanique de base de la série est certes conservée, faire évoluer la population jusqu’à la classe ultime en mixant les besoins mais l’aspect stratégique est clairement mis de côté. Si bien que le multijoueur ne pouvait que passer à la trappe au grand dam d’une bonne partie des fans de la série.

Cela n’en fait pas un mauvais jeu, cet élément d’Anno n’a d’ailleurs jamais été son fort et c’est certainement pour cela que Related Designs a préféré tenter de nouvelles choses telles que les projets uniques pour chaque région et des secteurs totalement différents qui dynamisent la partie. Le fonctionnement par secteur fait un peu Sims mais les développeurs ont pris le temps de bien optimiser les chargements (le premier est long, les suivants sont rapides) pour que cela ne viennent pas gâcher l’expérience de jeu. De plus, cela nous fait passer par l’écran du monde où vous organisez les routes commerciales, un bon prétexte pour réorganiser votre système.

En prenant cette direction, les développeurs ont en revanche fermé les portes d’un potentiel de rejouabilité facilement acquis grâce à la génération aléatoire. Les deux extensions, « Toundra » et « Orbite » tenteront de revitaliser tout ça en ajoutant des secteurs, des bâtiments et même des unités d’aviation. Encore faut-il bien traiter ces nouveautés et faire oublier d’autres disparitions comme les cultures (Eden Initiative Vs. Global Trust) ou la construction sous-marine que l’on a connu avec Anno 2070.