Jeu vidéo / Towa and the Guardians of the Sacred Tree

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Thème du jeu
Action

Test de Towa and the Guardians of the Sacred Tree

Quand j’ai posé les mains sur Towa and the Guardians of the Sacred Tree, je m’attendais à une petite surprise. Bandai Namco confiait à Brownies un projet qui promettait de revisiter le roguelite sous un angle japonais, avec une direction artistique soignée et une mécanique de combat à deux personnages. Sur le papier, ça sentait la fraîcheur, la différence, le petit jeu malin capable de se tailler une place entre deux mastodontes du genre (coucou Hades 2 qui est sorti depuis).

Mais à mesure que les heures s’enchaînent, l’enthousiasme du départ laisse place à un sentiment plus diffus : celui d’un jeu sincère, généreux, parfois inspiré, mais qui finit par se perdre dans sa propre densité. Towa veut tout faire à la fois : raconter, innover, complexifier. C’est précisément ce qui l’empêche d’être pleinement convaincant.

Image de Towa and the Guardians of the Sacred Tree

Une esthétique qui vaut le détour

Visuellement, Towa fait mouche. Les traits dessinés à la main, les couleurs pastel, les personnages élégants, les décors inspirés des estampes japonaises donnent une vraie identité au jeu. C’est un titre qui se regarde autant qu’il se joue, avec un soin du détail rare pour une production de cette taille. Le village de Shinju, notamment, respire la chaleur et la vie, même si son ambiance tranche étrangement avec la noirceur des donjons.

Sur PC, le jeu tourne correctement et se laisse porter par une direction artistique de toute beauté. Le Steam Deck encaisse l’ensemble sans broncher, ce qui rend l’expérience très agréable sur ce support.

Côté son, la partition d’Hitoshi Sakimoto est fidèle à sa réputation : orchestrale, mélodique, parfois solennelle. Malheureusement, elle accompagne un sound design qui tourne vite en boucle et un mixage sonore souvent étouffé. L’ensemble manque d’un vrai souffle dramatique. Comme l’ambiance générale, tiraillée entre mysticisme tragique et légèreté de JRPG, le ton ne trouve jamais son équilibre.

Un récit à la fois ambitieux et confus

Le scénario reprend les codes du conte mythologique : Towa, prêtresse du village, lutte contre la corruption d’une entité maléfique, Magatsu, qui menace l’Arbre sacré. Pour y parvenir, elle s’allie à huit enfants célestes capables de combattre dans différents mondes.

Sur le papier, la trame est claire. Dans le jeu, elle se dilue vite sous le poids des dialogues, des sous-systèmes et des allers-retours incessants entre le hub et les donjons. L’écriture reste correcte, parfois attachante grâce à la personnalité des Gardiens, mais les échanges s’étirent sans raison. Les scènes explicatives s’enchaînent et cassent souvent le rythme, sans vraiment enrichir la narration.

Le village de Shinju sert de pivot narratif et ludique. On y améliore son équipement, on débloque des bâtiments, on découvre de nouveaux personnages et même quelques mini-jeux comme la pêche. Tout cela donne au jeu une structure plaisante en surface, mais aussi une impression de dispersion : trop d’options, trop d’interfaces, trop de sous-menus. On passe plus de temps à gérer des systèmes qu’à jouer.

Le récit, quant à lui, peine à susciter l’envie d’avancer. Magatsu n’existe qu’en toile de fond, et les voyages temporels, pourtant au cœur du concept, n’apportent pas de réelle tension dramatique. Les personnages secondaires sont charmants, mais rarement mémorables. On finit par passer les dialogues plus qu’on ne les lit, tant ils étirent artificiellement la durée de vie.

Image de Towa and the Guardians of the Sacred Tree

Un gameplay qui apporte pourtant son lot d’innovations

Là où Towa tente de se démarquer, c’est dans son gameplay. Chaque run se base sur un duo : le Tsurugi, sabreur au corps à corps, et le Kagura, soutien magique. Le joueur contrôle les deux, jonglant entre attaques physiques et sorts à rechargement. L’idée est stimulante : il faut gérer deux personnages, deux jauges, deux rythmes, tout en évitant les assauts ennemis.

Ce système demande de la concentration, mais il fonctionne. Une fois la gymnastique mentale assimilée, les combats deviennent nerveux, parfois même grisants. Chaque duo offre un style différent, et on s’amuse à tester les combinaisons pour trouver celle qui nous correspond le mieux.

Malheureusement, la richesse du système se retourne vite contre lui. Certains duos sont nettement plus efficaces que d’autres, et une fois « la bonne combinaison » trouvée, le jeu perd en intérêt. Le Kagura, en particulier, souffre d’un rôle trop passif : ses sorts mettent du temps à recharger, et en mode coop, le joueur qui l’incarne s’ennuie rapidement. Lorsque c’est l’IA qui se charge de lui, il a alors des tendances suicidaires, se laissant facilement prendre au piège. Le déséquilibre entre les rôles plombe l’expérience partagée.

La durabilité des armes, autre idée originale, ajoute de la gestion : chaque sabre s’use à force d’utilisation, obligeant à alterner entre les deux. Cela pourrait renforcer la tension, mais dans les faits, cela casse le rythme. Pire, les combats souffrent parfois d’un manque de lisibilité. L’action devient confuse, les effets visuels saturent l’écran et les boss s’étirent en combats à rallonge.

Le jeu n’est pas difficile dans l’absolu, mais il exige une patience constante. Les donjons sont longs, certains ennemis trop résistants, et les récompenses mal calibrées. La mort est punitive sans être motivante : on perd souvent plus qu’on ne gagne, et la sensation de progression s’effrite au fil des heures.

Image de Towa and the Guardians of the Sacred Tree

Des systèmes à foison, une progression à la peine

Entre deux runs, on retourne à Shinju pour gérer l’équipement et la progression. C’est là que se trouve la forge, un mini-jeu artisanal où l’on choisit matériaux, formes, finitions et buffs à l’aide de QTE. Les premières fois, c’est amusant et immersif. Puis la répétition s’installe, les séquences deviennent fastidieuses, et on se surprend à laisser le forgeron s’en charger pour passer directement à la suite quitte à obtenir une arme moins puissante que ce qu’elle aurait pu être.

Tout est améliorable : armes, personnages, bâtiments, bénédictions, stats, talents. En théorie, cette profusion donne au jeu une grande profondeur. En pratique, elle sature l’expérience. Les améliorations apportent des bonus chiffrés, souvent trop faibles pour être réellement ressentis. On passe des heures à ajuster des pourcentages qui n’ont qu’un effet marginal en combat.

Le résultat, c’est une progression frustrante : on a la sensation de travailler dur pour des gains mineurs. Le mode « Histoire », qui abaisse la difficulté après chaque défaite, permet de rendre l’expérience plus supportable, mais ne résout pas le problème fondamental : le jeu s’éparpille, s’alourdit, et perd en fluidité

Brownies revendique ouvertement l’influence de Hades, et ça se sent. On retrouve la structure en runs, les choix de récompenses, le lien entre gameplay et narration, la mythologie en toile de fond. Mais là où Hades brillait par sa précision et son sens du rythme, Towa accumule les bonnes intentions sans parvenir à les canaliser.

Le jeu regorge d’idées intéressantes : son système de combat, sa forge, son hub évolutif. Mais il ne parvient jamais à en tirer la substance. Là où Supergiant Games peaufine la moindre interaction, Brownies multiplie les mécaniques sans les approfondir.

Face à une concurrence aussi féroce que Hades II, Dead Cells ou Returnal, Towa fait pâle figure. Il n’a ni la nervosité, ni la lisibilité, ni la cohérence de ses modèles. C’est un jeu attachant, mais malheureusement pas indispensable.

Points positifs
  • Direction artistique superbe
  • Univers et atmosphère réussis
  • Système de combat original
  • Variété des duos et des styles de jeu
  • Hub vivant et structurant
  • Forge et personnalisation
  • Musique signée Hitoshi Sakimoto
Points négatifs
  • Scénario confus et sans souffle
  • Surcharge de systèmes
  • Progression peu gratifiante
  • Gameplay déséquilibré
  • Lisibilité des combats
  • Durabilité des armes frustrante
  • Donjons longs et répétitifs
  • Comparaison défavorable avec la concurrence