Test d’Anno 117 : Pax Romana
Le studio Ubisoft Mainz propose avec Anno 117 : Pax Romana un nouveau chapitre de la série Anno et choisit cette fois l’Antiquité comme cadre. L’époque de la « Pax Romana », apogée de l’Empire romain, sert d’arrière-plan à une partie où l’on incarne un gouverneur chargé de poser les fondations d’un empire, de gérer des provinces, d’expansion et de commerce. Pour les amateurs de gestion PC, cette déclinaison s’annonce riche et non sans défis.

Un empire à bâtir, île après île
Anno 117 reconduit cette mécanique qui fait la spécificité de la série : jongler entre plusieurs îles mais aussi plusieurs cartes simultanément. Chaque province, le Latium et Albion pour le moment, a sa géographie, ses contraintes et ses ressources. Cette approche renouvelle constamment la dynamique de construction, surtout quand l’économie commence à s’étaler sur plusieurs fronts. On retrouve ce plaisir subtil de la micro-gestion en cascade, où chaque nouvelle province influence celles déjà établies. Et nous le savons déjà, une prochaine province est déjà prévue et se situera en Égypte. La carte du monde est celle de l’Europe, ce qui annonce un potentiel énorme : en Hispanie, en Gaule, en Mauritanie, en Germanie, dans les archipels grecs. Mais nous y reviendrons.
Retenez que la boucle de jeu est dense et le titre n’a clairement rien d’un city-builder « light ». En revanche, quelques choix d’interface viennent parfois contrarier la fluidité des premières heures. Le jeu reprend quasi trait pour trait la gestion des routes commerciales d’Anno 1800 que je ne trouve pourtant pas très ergonomique. C’est gros (renforcé par un jeu qui peut se jouer désormais à la manette sans problème), les informations sont parfois cachées ou mal présentées.

Les mini quêtes sous forme de question/réponse ne sont pas pratiques. On ne sait pas laquelle de nos îles va être concernée par le sujet et à l’instar des Civilization où la diplomatie nous bloque sur un écran sans retour en arrière possible, il n’est pas possible de voir les conséquences possibles de notre décision. Concrètement, imaginez qu’il faille choisir entre un malus de 200 sur le risque de feu ou sur le bonheur, vous auriez probablement envie de savoir où vous en êtes actuellement pour prendre la plus sage des décisions.
Les notifications peuvent parfois nous envahir et reviennent constamment : « Oui je sais que je peux aller en Albion mais laisse moi 5 minutes s’il te plaît. »
A contrario, ça manque d’indication sur les raccourcis possibles. En effet, le jeu ne propose pas de sélection multiple des bâtiments notamment les habitations lorsque vous souhaitez les faire évoluer. Il est possible via raccourci de les faire évoluer sans passer par une multitude de clics mais ce n’est indiqué nul part. Sur PC, on connaît déjà toutes ces astuces, pour les consoleux, c’est probablement moins évident. Dans tous les cas, il faudrait une sélection multiple, c’est beaucoup plus instinctif et résoudrait aussi un problème lorsqu’une habitation peut changer pour deux types de populations (celte ou romaine), dans ce cas, le raccourci est bloqué sur celui que vous aurez choisi la première fois…

Enfin, les bâtiments influencent les autres en augmentant leurs revenus, la population à l’intérieure des habitations, la santé, la foi, la connaissance, les risques incendies, le bonheur. C’est une mécanique très intéressante mais l’impact est extrêmement difficile à évaluer. Contrairement à des city builders comme Cities Skyline, il n’y a aucune carte de chaleur, lorsque la ville s’agrandit, il est difficile d’évaluer les raisons qui font que tel ou tel facteur est bon ou non. Le problème, c’est que pour le risque incendie, si vous êtes dans le négatif, il y a logiquement des incendies de plus en plus fréquent. Malheureusement, dans bien des cas, je les ai vus se déclencher dans des zones protégées. Ce qui ne permet pas d’identifier le bâtiment qui mériterait une surveillance réellement accrue.
Bref, n’y voyez là rien de bloquant mais c’est suffisamment présent pour gripper la machine par moments et cela peut avoir un effet boule de neige au fur et à mesure que vous avancez dans la partie. Du moins dans les premières parties, ensuite, vous aurez l’habitude et optimiserez vos quartiers à la perfection.
Les ambitions romaines, un peu bridées
L’Antiquité ouvre naturellement la porte à une vision plus continentale de l’empire, mais Anno reste Anno : l’expansion continue de reposer sur un morcellement insulaire. En tant que gouverneur, on bâtit certes de larges cités, mais on ne retrouve pas le souffle « grand territoire » d’un Cape Trelawney dans Anno 1800. En l’absence de DLC et d’extensions, le jeu propose aussi pour le moment moins de variété dans les îles et la plupart sont tout de même assez petites.
C’est dommage, car le cadre romain se prêtait à une échelle plus vaste, où la conquête terrestre aurait pu rivaliser avec la maîtrise maritime. Ici, on navigue toujours d’une carte à l’autre, sans jamais prendre la mesure réelle d’un immense territoire continu. Ce choix conserve la logique historique de la série, mais limite un peu l’ampleur que l’on pouvait projeter.

Si bien que j’ai un doute lorsque j’espère les nombreuses provinces à venir au fil des expansions pass. D’après moi, la voie prise par le studio sera claire lorsque nous découvrirons la carte de l’Egypte. En effet, cette région ne regorge pas spécialement en îles, voire pas du tout. On s’attend plutôt à découvrir le delta du Nil et tout ce qu’il implique.
Une campagne avant le bac à sable
Le cadre narratif d’Anno 117 ne cherche pas à rivaliser avec un RPG, mais il installe suffisamment de matière pour donner du relief à la campagne et découvrir progressivement les mécaniques du jeu. La campagne vous place dans la peau d’un gouverneur fraîchement nommé avec la possibilité de choisir entre un personnage masculin ou féminin. Ce choix n’a pas de conséquences profondes sur la progression, mais il permet d’incarner l’aventure avec un minimum de personnalisation, tout en évitant le sentiment d’être un simple spectateur. Mais aussi de profiter d’îles un peu plus uniques que le générateur de seeds.
Le récit adopte un ton mesuré : on avance au rythme d’objectifs scénarisés qui servent surtout de prétexte à découvrir ce nouvel opus et comprendre les tensions politiques ou culturelles du moment. Cela fonctionne d’autant mieux qu’il reste discret. Il permet de se sentir légitime dans sa fonction, donne du sens aux actions et introduit quelques figures locales, sans jamais s’alourdir.

Une approche cohérente avec l’esprit de la série : raconter juste assez pour donner une impulsion, puis laisser le joueur s’amuser en mode bac à sable.
Une direction artistique qui impose le respect
Sur le plan visuel, le jeu impressionne. Les villes prennent forme avec une élégance certaine, la lumière caresse les toits de tuiles romains, les marchés s’animent, les habitats évoluent avec un sens du détail remarquable. Le cadre celte comme le cadre méditerranéen offrent des identités distinctes, chacun avec sa texture, son ambiance, sa végétation.

Pourtant, tout n’est pas parfait. Je regrette que les villes-comptoir, magnifiques en pré-générés, ne puissent pas être reproduites avec le même naturel par le joueur. C’est inhérent à la série sur ces dernières itérations mais il n’empêche que j’aurai apprécié que l’intégration au relief soit plus marqué. Aussi, les transitions architecturales manquent parfois de cette magie que l’on aperçoit lors des premières heures. Certains ajouts comme les routes en diagonale font pâles figures lorsque d’autres jeux vidéo propose une vision bien plus organique de la construction de cité. D’autant plus lorsque les bâtiments ne s’adaptent pas en conséquence, laissant des espaces inutilisés que je ne prends pas spécialement plaisir à remplir avec les quelques décorations mises à disposition.
Mais dans l’ensemble, Anno 117 reste un plaisir constant pour les yeux. Surtout le Latium avec son soleil brillant et ses couleurs plus chatoyantes. Bien que j’apprécie aussi le mélange romano-celtique de l’Albion.
Quand la beauté teste votre configuration
Techniquement, le jeu s’en sort avec solidité. Avec une 4080S et en UHD, le jeu tourne à 60FPS sans problème pour peu que vous activiez au moins légèrement le DLSS. Pour le coup, je ne suis pas un grand fan de cette technologie mais dans un contexte comme celui d’Anno (qui n’est pas un FPS où l’on court partout), cela fonction très bien.

Les effets volumétriques, le trafic, la végétation et les chaînes de production en cascade peuvent encore solliciter le processeur, mais rien d’anormal pour un Anno de cette ampleur. Mais en tout cas je n’ai rencontré aucun accrocs.
Ceci dit, le lancement officiel en ce 14 novembre se déroule non sans encombre. De nombreux joueurs éprouvent des difficultés à se connecter. Gageons qu’Ubisoft va mieux dimensionner ses serveurs pour que cela se passe du mieux possible.
Comme toujours avec Anno, ce nouvel épisode ressemble à une plateforme plus qu’à une destination finale. Le cadre romain n’a encore dévoilé qu'une partie de son potentiel, et les futures extensions auront beaucoup de latitude pour enrichir l’ensemble : nouvelles provinces, mécaniques inédites, zones plus vastes, contenu culturel supplémentaire…
L’avenir du jeu dépendra de la manière dont Ubisoft Mainz choisira d’étendre ce socle déjà robuste. Le cadre historique pourrait accueillir des régions plus ambitieuses, des systèmes coloniaux plus larges ou une approche plus continentale. Autant de pistes qui s’accorderaient parfaitement avec l'identité romaine et les attentes des bâtisseurs en herbe.
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- Direction artistique superbe
- Gameplay dense et maîtrisé
- Campagne d’intro efficace
- Bonnes performances eu égard à la qualité graphique
- Gros potentiel d’extensions
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- Ergonomie parfois laborieuse
- Îles petites et limitées
- Villes-comptoir irréalisables
- Problèmes de connexion lancement
